Dr Armand Nkwescheu : “Le Cameroun lutte contre les envenimations par morsures de serpents“
Alors que les morsures de serpents tuent chaque année 30.000 personnes en Afrique subsaharienne, l'épidémiologiste camerounais Armand Nkwescheu revient sur l'évolution de leur prise en charge au Cameroun.
Une récente enquête menée à travers le Cameroun et réalisée dans le cadre du projet SNAKE-BYTE indique que les serpents mordent, chaque année, plus de 2.500 personnes au Cameroun. Ces morsures entrainent une cinquantaine de décès. Pour en savoir plus sur leur prise en charge, on a échangé avec le Dr Armand Nkwescheu, médecin épidémiologiste ayant participé à l’étude.
Allo Docteurs Africa : Le Cameroun figure-t-il parmi les pays africains les plus touchés par les morsures de serpents ?
Dr A.N : Certaines régions sont effectivement très affectées, selon nos premières observations. Mais le Cameroun n'est pas le pays le plus touché d'Afrique. Depuis quelques années, on mène une politique de détection et de surveillance de cas de morsures. Par ailleurs, la faune herpétologique du Cameroun, c'est-à-dire la partie de la faune constituée par les amphibiens et les reptiles, a été complètement évaluée ou étudiée. Très peu de pays africains présentent un tel niveau de documentation.
A.D.A : Quelles sont les conséquences des attaques des serpents sur les victimes de morsures ?
Dr A.N : Il existe deux types de morsures de serpent : celles sans envenimation (qui représentent près de 60% de cas) et celles avec envenimation. Dans les deux cas, la prise en charge est souvent mauvaise. Une morsure avec envenimation, par exemple, ne reçoit pas toujours les soins appropriés à cause de l’indisponibilité de l'antivenin.
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A.D.A : Comment appréciez-vous la stratégie de lutte ou de prise en charge des morsures de serpents ?
Dr A.N : Il existe une stratégie globale de lutte contre les morsures de serpents et envenimations élaborée par l'Organisation mondiale de la santé (OMS). L'objectif du plan mondial est de réduire de 50% la mortalité et les infirmités dues aux morsures de serpents d'ici 2030. Les 4 axes du plan sont les suivants : engager les communautés, assurer l’accès à un traitement effectif et sans danger, renforcer les systèmes de santé, accroître le partenariat, la coordination des ressources et une collaboration robuste. Au Cameroun, une stratégie nationale est également élaborée. Elle est en cours de validation et d'adoption.
A.D.A : Le pays dispose-t-il des moyens nécessaires pour y faire face ?
Dr A.N : Oui. Le Cameroun, à travers le ministère de la Santé publique, met en œuvre des moyens pour lutter contre les envenimations par morsures de serpents. Un plan stratégique national de lutte a été élaboré, un comité national multisectoriel créé. Chaque semaine, une déclaration des cas de morsures est faite. Des associations de la société civile sont engagées pour former les professionnels, sensibiliser le public... Le Laboratoire National Vétérinaire (Lanavet) produit localement des antivenins, et des jeunes chercheurs ont été recrutés pour la recherche opérationnelle sur les morsures de serpents et les envenimations.