Dr Gwendoline Ukum Enda : "Les maladies anales peuvent toucher tout le monde"
Le Dr Gwendoline Ukum Enda vient de boucler à Douala une campagne de dépistage des pathologies anales. Elle nous fait découvrir la proctologie, cette branche de la médecine qui s’intéresse à ces maladies aux maladies, mais qui demeure quasi-absente au Cameroun.
Au cours de la campagne qu’elle a organisée à Douala du 25 au 27 Novembre, l’association de défense des droits de l’homme Alternatives-Cameroun a fait dépister, consulter et soigner des personnes souffrant de maladies anales. Le Dr Gwendoline Ukum Enda, médecin généraliste et formateur junior en proctologie a eu l’occasion de découvrir de nouveaux patients. Elle relève que les personnes souffrant de l’anus sont l’objet de préjugés et discriminations et assure que, contrairement à ce qu’une certaine opinion prétend, les maladies anales ne touchent pas que les homosexuels ou les adeptes du sexe anal. Interview.
Allodocteurs.Africa : Vous venez d’effectuer une campagne de dépistage, de consultation et de soins dans le domaine de la proctologie. De quoi s’agit-il ?
Dr Gwendoline Ukum Enda : Ce sont les consultations anales. Nous nous sommes rendus compte qu’au Cameroun beaucoup de personnes sont victimes de maladies anales qu’elles négligent, juste parce qu’elles ne savent pas comment se faire soigner. Certains en viennent à considérer que ce sont des affections honteuses. Ceux qui en souffrent sont stigmatisés, ils doivent s’armer de courage pour se présenter devant un médecin. Cette situation me rappelle celle des malades du VIH/SIDA qui souffrent de discrimination. Une fois que vous signalez un problème à l’anus, les premières questions que l’on vous pose c’est : "êtes-vous homosexuel", "pratiquez-vous le sexe anal" ? Mais cela n’a rien à voir !
A.D.A. : Quelle est la population la plus touchée par les maladies anales ?
Dr G.U.E : L’idée la plus répandue est que ce sont uniquement les homosexuels ou ceux qui pratiquent le sexe anal qui en souffrent. Ce n’est pas vrai ! Les maladies anales peuvent toucher tout le monde. Il est vrai qu’il y a des populations à risque, comme les femmes enceintes qui peuvent elles aussi avoir des problèmes anaux à cause de leur grossesse, elles ont plus de risques d'avoir une constipation. La constipation est la cause la plus fréquente des maladies anales, et n’importe qui peut en souffrir ! La plupart des patients que je consulte en proctologie ce sont les vieux. Mais même les bébés, les enfants peuvent souffrir de maladies anales !
A.D.A. : Que faut-il pour que les affections anales soient mieux prises en charge ?
Dr G.U.E : La plupart des médecins n’accordent pas beaucoup d’attention à ceux qui les consultent pour des problèmes anaux. Ils se contentent de prescrire des médicaments à la volée. Or, il faut mettre le patient à l’aise, en confiance. L’anus est une partie de notre corps qui peut lui aussi être malade. Il est réputé extrêmement fragile parce que hyper vascularisé. Ce qui l’expose plus que les autres parties du corps humain aux pathologies. C’est pourquoi nous conseillons un examen proctologique au moins une fois par an. Il vaut mieux que les pathologies soient découvertes tôt afin d’être mieux soignées. Ces examens peuvent ouvrir la voie à un dépistage du cancer de la prostate. Il y a plusieurs maladies anales que nous dépistons, comme les fissures anales, les hémorroïdes, le cancer anal, les fistules anales dont le traitement est très compliqué. En 2019, nous avons effectué pour le compte d’Alternatives-Cameroun 1500 consultations proctologiques !
A.D.A. : Le taux de dépistage des maladies anales au Cameroun est-il bon ?
Dr G.U.E : Il existe des résultats de recherches spécifiques. Par exemples des étudiants en médecine ont consacré leurs thèses aux fistules anales. Nous formons des médecins et autres personnels soignants aux soins en proctologie. Lorsqu’ils sont face à une pathologie anale, les médecins ainsi que le citoyen lambda ne pensent qu’aux hémorroïdes.
A.D.A. : Il faut donc davantage sensibiliser, former…
Dr G.U.E : C’est clair qu’il faut en faire encore plus ! Les gastro-entérologues font déjà un bon travail. Nous souhaitons que les généralistes commencent à faire des consultations proctologiques. Il est vrai que la pauvreté ambiante éloigne les potentiels patients des centres de soins. Ils n’ont pas 5.000 ou 15.000 Francs CFA pour payer une consultation chez un spécialiste. C’est pourquoi nous formons les généralistes et les infirmiers aux techniques de l’examen proctologique. Nous souhaitons que le gouvernement, s’il est intéressé, nous aide à acquérir le matériel de base comme les anuscopes.