Dre Prisca Megne Kongbi : Au Cameroun, "beaucoup d’enfants souffrant d’anémie ont une carence en fer"
Alors que la majorité des enfants camerounais de moins de 5 ans souffrent d'anémie, la Docteure Prisca Megne Kongbi nous en dit plus sur cette pathologie.
La situation est inquiétante. Au Cameroun, 54% des enfants de moins de 5 ans souffrent d'anémie, c'est-à-dire une baisse anormale du taux d’hémoglobine dans le sang. Le plus souvent, cette pathologie se traduit par une pâleur de la peau et des muqueuses et une fatigue. Pour en savoir plus, on a échangé avec la Docteure Prisca Megne Kongbi, pédiatre à l'hôpital général de Douala. Entretien.
Allo Docteurs Africa: Qu’est-ce que l’anémie ?
Dre
Prisca Megne Kongbi : C’est lorsque le taux d’hémoglobine
dans le sang est faible. Le diagnostic d'anémie est porté lorsque le taux d'hémoglobine est inférieur à ces valeurs :
- 14 grammes par décilitre de sang (ou g/dl) chez le nouveau-né
- 9 grammes chez le nourrisson
- 13 g/dl chez l’homme adulte
- 12 g/dl chez la femme adulte
- 10,5 g/dl chez la femme enceinte à partir du second trimestre de grossesse.
Au-delà du taux d’hémoglobine, il y a aussi les signes cliniques qui permettent de reconnaître si l’enfant est atteint d'anémie, comme la pâleur de la paume des mains ou de la plante des pieds.
A.D.A : Qu’est-ce qui cause l’anémie chez les plus jeunes ?
Dre P.M.K : Il y a d’abord la carence en fer. Elle survient lorsque l’alimentation n’est pas bien diversifiée. On peut aussi avoir l’anémie à cause du paludisme. Parmi les complications éventuelles de cette maladie, il y a ce qu’on appelle l’anémie sévère.
Il faut savoir que toutes les anémies se manifestent de la même manière, sauf qu’il y a des degrés. Il y a ce qu'on appelle "anémie tolérée" lorsqu'il s'agit d'une anémie qui persiste dans la durée. il y a aussi l'anémie aiguë qui est mal tolérée. Elle peut être à l'origine de difficultés respiratoires chez l'enfant. Au Cameroun, nous faisons surtout face à des anémies par carence en fer. Ce qui est dû à un défaut d'apports nutritionnels. Lorsque l’alimentation n’est pas variée ou équilibrée, l’enfant souffre de ce que nous appelons dans notre jargon anémie par carence martiale.
A.D.A : A quel moment l’anémie devient-elle dangereuse pour l’enfant ?
Dre P.M.K : Généralement en dessous de 7 ou 6 grammes d’hémoglobine, l’anémie n’est pas tolérée lorsqu’elle est aiguë. Mais il y a des pathologies comme la drépanocytose où les enfants supportent des taux d’hémoglobine qui s’élèvent à 5 grammes, sans avoir des signes d’intolérance. Certains cas d’anémie aiguë peuvent causer la mort. Celles qui surviennent de façon brutale à la suite d’un événement comme la prise en charge tardive d’une victime de paludisme grave. L’hémolyse, la destruction des globules rouges du malade, peut provoquer un décès.
A.D.A. : Comment traite-t-on les différents types d’anémie ?
Dre P.M.K : Devant tout cas d’anémie, il faut d’abord en rechercher la cause pour pouvoir traiter le mal à la racine. Devant une anémie due à une carence en fer, il faut d’abord apporter une alimentation riche et variée. Si c’est dû au paludisme, il faut d’abord le traiter.
A.D.A : Que conseillez-vous pour éviter l’anémie chez les tout-petits ?
Dre P.M.K : A partir de six mois, l’enfant doit avoir une bonne diversification alimentaire. On commence avec les fruits et on introduit les céréales, tout en continuant l’allaitement jusqu’à l’âge de deux ans. Pour celles qui ne peuvent pas allaiter, l’enfant doit bénéficier du lait de substitution et d'autres apports comme les viandes qui sont riches en fer.