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Drépanocytose au Maroc : "on estime qu'il y a 15.000 nouveaux cas par an"

Contrairement aux idées reçues, la drépanocytose existe au Maroc et en Afrique du Nord. Pour en savoir plus, on a interrogé le Pr Mohamed Khattab, chef du service d’hématologie et d’oncologie pédiatrique au CHU Ibn Sina de Rabat.

Badr Kidiss
Rédigé le , mis à jour le
Une drépanocystose ou anémie falciforme dûe à une mutation de l'hémoglobine

Méconnue, la drépanocytose concerne plusieurs milliers de personnes au Maroc. Cette maladie du sang est une déformation des globules rouges qui peuvent boucher les vaisseaux sanguins, notamment les articulations. A l'occasion de la journée mondiale qui lui est consacrée, ce 19 juin, AlloDocteurs Africa a échangé avec le professeur Mohamed Khattab, chef du service d'hématologie et d'oncologie pédiatrique au CHU Ibn Sina de Rabat et directeur de l'association marocaine de la thalassémie et des maladies de l'hémoglobine. 

AlloDocteurs Africa : Officiellement, combien de Marocains souffrent de drépanocytose ? 

Pr Mohamed Khattab : La drépanocytose existe au Maroc ainsi que dans tous les pays d'Afrique du Nord, même si dans les livres et les revues scientifiques, on parle de cette maladie qu'en Afrique subsaharienne. Je rencontre souvent des personnes qui sont surprises de savoir que cette maladie existe au Maroc. Pourtant, elle est présente chez nous depuis la nuit des temps. Comme on avait déjà parlé de la thalassémie sur AlloDocteurs Africa, il faut savoir que la drépanocytose touche 3 à 5 fois plus les Marocains, en fonction des régions. Dans tous les cas, elle reste prédominante par rapport à la thalassémie. On estime qu'il y a environ 15.000 nouveaux cas de drépanocytose au Maroc chaque année, d'après des études de dépistage et des données publiées par l'OMS. Mais à ce jour, il n'y a jamais une étude épidémiologique correcte de la drépanocytose au Maroc. Actuellement, on a 5.600 cas actifs qui sont suivis dans les hôpitaux du royaume. Donc finalement, entre les 15.000 cas attendus et les 5.6000 qui sont recensés, il y a un grand décalage. 

A.D.A : Mais comment vous expliquez ce décalage ? 

Pr M.K : Ce décalage existe, d'une part, parce qu'il n'y a pas de dépistage. Alors que comme vous le savez, en France et dans certains pays européens, ce dépistage est recommandé et obligatoire vu la mortalité très élevée lors de la première année de vie d'un drépanocytaire. Cette maladie est aussi méconnue et mal diagnostiquée. Dans les Facultés marocaines de médecine, il y a à peine une heure de cours réservée à la drépanocytose durant les six années d'études médicales. D'autre part, le Maroc, à l'image d'autre pays émergents, a une mortalité infantile très élevée pendant les cinq premières années de vie qui est due aux maladies infectieuses, aux maladies diarrhéiques et à la malnutrition. Donc, il y a beaucoup d'enfants qui meurent d'infections alors qu'ils avaient aussi la drépanocytose. Du coup, ces enfants passent sous les radars alors que si dès la naissance, on faisait des tests pour savoir s'ils sont drépanocytaires ou pas, on ne passerait pas à côté de ce problème de santé. Pour résumer, la drépanocytose est méconnue, très fréquente avec une prévalence de 3% au niveau national. Un chiffre qui peut aller jusqu'à 9% dans le nord-ouest du Maroc. 

A.D.A : Pourquoi très peu de Marocains connaissent la drépanocytose ? 

Pr M.K : Il faut savoir qu'il n'y a jamais eu une campagne de sensibilisation officielle autour de la drépanocytose. Il y a seulement des hématologues, des pédiatres et une poignée de laboratoires au Maroc qui s'intéressent à cette maladie. Mais l'Etat n'a jamais élaboré de programme de lutte contre cette maladie du sang. Pourtant, on a réussi à avoir un programme pour lutter contre la thalassémie, mais toujours rien pour la drépanocytose. 

A.D.A : Aujourd'hui, est-ce que l'Etat prend en charge les drépanocytaires ? 

Pr M.K : Que les patients soient drépanocytaires ou pas, il y a trois quatre catégories de malades au Maroc. Il y a ceux qui ont l'Assurance Maladie et il y a ceux qui ont une assurance de l'Etat qu'on appelle RAMED. Et enfin, il y a ceux qui n'ont aucune de ces assurances, on les appelle "les payants". Heureusement, la drépanocytose n'est pas une maladie aussi coûteuse que la thalassémie parce qu'elle ne nécessite pas de transfusion systématique.  

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