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"Evitons que le paludisme fasse plus de morts que le coronavirus"

A l'occasion de la journée mondiale de lutte contre le paludisme, AlloDocteurs.Africa a interrogé le Dr Doudou Sène, coordonnateur du Programme National de Lutte contre le Paludisme au Sénégal.

Badr Kidiss
Rédigé le , mis à jour le
Certains moustiques infectés du genre Anophèles peuvent transmettre le paludisme (photo d'illustration)

La lutte contre le paludisme sera-t-elle la prochaine victime du coronavirus?  Hors de question, pour le Dr. Doudou Sène ! Le coordonnateur du Programme National de Lutte contre le Paludisme au Sénégal est l'un des intervenants du séminaire de Santé en Entreprise (SEE) sur le paludisme dont AlloDocteurs.Africa est partenaire. Il commente pour nos lecteurs la lutte conjointe contre ces deux fléaux.

AlloDocteurs.Africa : La pandémie de coronavirus peut-elle ralentir la lutte face au paludisme ? 

Dr. Doudou Sène : Depuis le début de l'épidémie, on redoute un ralentissement des activités liées aux autres programmes sanitaires, de façon générale. Les populations craignent d'aller dans les structures de santé et vient s'ajouter la peur du personnel de santé d'être contaminé au moment de prendre en charge des cas de fièvre ! Toutes ces craintes peuvent être des facteurs qui contribuent au ralentissement des activités.

Le Programme national de lutte contre le paludisme et le ministère de la Santé ont élaboré des plans pour le bon déroulement de l'ensemble des activités prévues. On a l'expérience de l'épidémie d'Ebola qui avait eu des impacts de ce type. Cela a entrainé malheureusement une augmentation du nombre de cas de paludisme, notamment en Guinée et en Sierra Leone où il y a eu beaucoup plus de décès notifiés lors de l'épidémie d'Ebola, en 2014.  

AlloDocteurs.Africa : D'un point de vue financier, est-ce que le coronavirus peut aussi ralentir la lutte ? 

D.S. : Je ne pense pas ! Au contraire, c'est une opportunité pour les pays de se rendre compte qu'il est important d'avoir des systèmes de santé solides. L'engagement que nous avons noté à travers la lutte contre le Covid-19 devrait quand même permettre aux autorités d'en être conscientes. Nous avons reçu l'appui répété de l'Etat et des partenaires techniques et financiers, dont notamment le Fonds mondial qui finance nos activités et veut aujourd'hui renforcer notre riposte face au Covid-19. Ils nous soutiennent aussi dans la mise en oeuvre de nos activités majeures contre le paludisme.. 

A.D.A : Comme au Sénégal...

D.S. :  Oui, nous avons prévu de faire ce qu'on appelle la "chimioprévention "du paludisme saisonnier via des médicaments, au courant du mois de juin, mais également des stratégies communautaires qu'on appelle la prise en charge à domicile, où il y a un besoin de s'adapter par rapport au contexte du Covid. Cela nécessite des besoins financiers supplémentaires reçus du Fonds mondial et de l’Initiative du Président des États-Unis contre le paludisme (PMI). Ils nous accompagnent dans la dotation en masques de protection pour les agents qui doivent aller sur le terrain, mais également en gels hydroalcooliques pour nous permettre de limiter la propagation du Covid-19. 

A.D.A : Que vous disent vos confrères des pays voisins sur l'évolution de l'épidémie de paludisme et du coronavirus ou Covid-19? 

D.S : Nous avons une plateforme d'échanges sur Whatsapp. Il y a des questions qui sont posées par certains confrères de la sous-région, par rapport aux stratégies choisies. L'autre sujet, c'est l'hydrochloroquine qui est utilisée dans le traitement du Covid-19. Ce produit n'est plus utilisé chez nous pour le traitement du paludisme mais il y a des perspectives de recherche qui sont là, pour savoir si en cas de co-infection au paludisme et au Covid-19, l'hydrochloroquine pouvait être efficace. 

A.D.A : Quels sont les conseils que vous pouvez donner pour lutter contre la propagation des deux épidémies ? 

D.S : Quand on compare l'évolution du Covid-19 dans les pays africains à celle du paludisme, il semble que les vitesses ne soient pas les mêmes. Le nombre de décès dû au paludisme semble beaucoup plus élevé et l'expérience d'Ebola, en 2014, l'a aussi démontré avec plus de 14.000 décès recensés. C'est pour cela que les autorités, notamment celles qui sont en charge de la lutte contre le paludisme, doivent prendre des mesures drastiques pour le  bon déroulement des activités prévues malgré le Covid-19.

A.D.A : Il faut donc affronter les deux orages en même temps...

D.S : Oui, je pense qu'il faut éviter que le paludisme fasse plus de décès que le coronavirus qui semble moins toucher l'Afrique. Sur les chiffres de 2018, on remarque que 96% des décès des suites du paludisme sont en Afrique. Il faut donc que les gens soient conscients du risque que nous avons à uniquement se focaliser sur le Covid-19. Comme je disais tantôt au ministre de la Santé, "si tu pleures en période de pluie, tes larmes risquent de ne pas être vues !".  

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