Le Maroc valide enfin le projet de loi sur l'usage thérapeutique du cannabis
Premier producteur mondial de haschich, le Maroc se prépare (enfin) à légaliser l'usage thérapeutique du cannabis. Les détails.
Ça se précise ! Alors que le débat autour de la légalisation de l'usage thérapeutique du cannabis traine depuis de nombreux mois au royaume, le gouvernement marocain a validé ce jeudi un projet de loi légalisant le cannabis "thérapeutique", tout en maintenant l'interdiction de son usage récréatif.
Le but est de "reconvertir les cultures illicites destructrices de l'environnement en activités légales durables et génératrices de valeur et d’emploi", selon le texte. Mais l'enjeu est de taille pour le Maroc, qui a été classé premier producteur mondial de résine de cannabis (haschich) par l'Office des Nations unies contre la drogue et le crime (UNODC) dans son rapport 2020.
"Savoir-faire ancestral"
La validation du projet de loi sur l'usage thérapeutique du cannabis est "la fin d'un tabou politique, l'aboutissement d'une dynamique lancée il y a une dizaine d'années au plus haut niveau de l'Etat", estime le sociologue Khaled Mouna. "De l'avis des experts, les atouts du royaume en la matière sont pour le moins indéniables: un écosystème propice, la proximité du marché européen en plein essor et un savoir-faire ancestral des agriculteurs", selon l'agence officielle MAP. Il suffit d'ailleurs de se promener sur les routes du Rif, dans le nord du pays, pour voir de vastes étendues de champs soigneusement cultivés et irrigués - en toute illégalité. Et "sur le plan pratique; ce n'est pas compliqué, il suffit d'utiliser des semences adaptées et les planter à la prochaine saison" si la loi est votée dans les temps, souligne le botaniste Ismaïl Azza.
Les données officielles ne dévoilent pas la production actuelle qui s'élève, selon une étude publiée en 2020 par le réseau indépendant "Initiative mondiale contre la criminalité transnationale organisée", à plus de 700 tonnes par an, pour une valeur de 23 milliards de dollars (environ 19 milliards d'euros).
Le projet de loi prévoit de créer une "agence de régulation" chargée de "développer un circuit agricole et industriel" et de contrôler toute la "chaîne de production", de l'importation des semences jusqu'à la commercialisation - avec "périmètres règlementaires", "coopératives d'agriculteurs autorisés", "plants certifiés" et contrôle des teneurs en THC, la principale molécule psychoactive du cannabis. La région de "Ketama qui a toujours fait la réputation de "la marocaine", comme est surnommée la résine de cannabis à l'étranger, devrait forcément figurer dans la liste des zones autorisées", prédit le site semi-officiel le360.
"Développement économique"
Le Maroc table sur le "développement soutenu" du marché mondial du cannabis médical, avec des prévisions de croissance moyenne annuelle de l'ordre de 60% en Europe, son "marché cible", selon une note du ministère de l'Intérieur. Les professionnels estiment à 1 milliard de dollars (0,8 milliard d'euros) le marché du cannabis légal en Europe. Mais "tout retard pris dans la mise en œuvre du projet pourrait se traduire par des risques de perte des opportunités économiques (...) au profit de pays concurrents", avertit la MAP.
Signe de volontarisme, le projet de loi a été présenté "moins de trois mois après la décision des Nations unies de retirer le cannabis de la liste des drogues les plus dangereuses", débloquant ainsi l'usage thérapeutique de cette plante psychoactive, souligne Khaled Mouna.