Les médicaments "made in Congo" sont-ils fiables ?
Le gouvernement de Kinshasa veut promouvoir l'industrie pharmaceutique de la RDC en obligeant hôpitaux, pharmacies et ONG à acheter localement certains produits. Certains professionnels de la santé s'inquiètent.
Des médicaments fabriqués au Congo peuvent-ils remplacer les molécules importées ? C’est en tout cas la volonté du gouvernement de la République démocratique du Congo (RDC). Il a défini 35 médicaments que les infrastructures de santé devront se procurer localement. Cette règle a été édictée en fin d'année dernière. Mais face aux oppositions et aux difficultés de mise en œuvre, elle reste pour l'instant soumise à un moratoire.
Ces médicaments pourront être fabriqués et achetés en RDC, affirme Donatien Kabamb Kabey, directeur des pharmacies au ministère de la Santé. Le gouvernement veut stimuler la production locale sans pour autant interdire les importations. Depuis cette annonce, 15 entreprises pharmaceutiques sont en cours de création et s'ajouteront aux 24 déjà existantes en RDC, indique Donatien Kabamb Kabey.
Promouvoir l'industrie locale
Parmi ces entreprises : Pharmagros. Son directeur, Joss Ilunga Dijimba, soutient la mesure gouvernementale : "l'idée de promouvoir l’industrie locale, c'est une bonne chose". Il se bat pour faire tourner son entreprise pharmaceutique, installée dans la banlieue de Kinshasa. Sa société a survécu tant bien que mal aux pillages massifs des années 90, dit-il. Mais il y a aussi les impôts, les taxes douanières, la difficulté d'embaucher du personnel qualifié...
Dans son entreprise, 40 employés s'activent à la production de médicaments génériques, dont du paracétamol, livrés dans tout le pays. En RDC, plusieurs sociétés congolaises sont d'un très bon niveau, assure l'entrepreneur, diplômé de l'Université du Texas.
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Les professionnels mitigés
Des experts s’opposent à cet avis et affirment qu'à cause des règlements laxistes, les médicaments fabriqués au Congo risquent d'être peu sûrs. "Quand vous vous tournez vers le secteur privé au Congo, c'est à vos risques et périls", met en garde Ed Vreeke, qui dirige Quamed, société de contrôle qualité de médicaments basée en Belgique. "Ils savent pertinemment que la qualité de ce qu'ils produisent n'est pas bonne", dit-il.
Interrogés devant une pharmacie de la Gombe, quartier le plus riche de Kinshasa, des clients se montrent partagés. "Je n'ai pas de préjugés", déclare Joëlle, juriste de 29 ans, qui n'a pas regardé d'où proviennent les médicaments qu'elle vient d'acheter. "Il y a quand même une différence de qualité", estime de son côté Olivier, 52 ans, fonctionnaire. Mais, ajoute-t-il, si la qualité est la même, "pas de problème".
Les mauvais médicaments à l'origine de décès
Selon l'Organisation mondiale de la Santé (OMS), les médicaments de mauvaise qualité ou contrefaits tuent des centaines de milliers de personnes chaque année. Si les règles congolaises se sont améliorées, Ed Vreeke estime que le pays n'a pas les ressources pour mener les contrôles nécessaires, par exemple sur la composition chimique des médicaments. Le climat chaud et humide de la RDC pose aussi des problèmes de stockage.
Donatien Kabamb Kabey se veut rassurant : les standards se sont "énormément" améliorés ces dernières années. Il assure que le gouvernement met en place un laboratoire national de contrôle qualité.
Selon des sources humanitaires, ces déclarations n'ont pas convaincu de grandes ONG, comme Médecins sans Frontières (MSF) et Médecins du monde (MDM), qui ont demandé des dérogations à ces nouvelles règles d'achat local.