Noelle Kenmoe : "Le film a changé la perception des enfants atteints d’autisme"
Co-productrice, co-réalisatrice et scénariste de "2 Avril", la Camerounaise Noelle Kenmoe veut changer la vie des enfants autistes.
C'est un trouble encore méconnu au Cameroun ! Si l'autisme concerne des milliers d'enfants, ce trouble neurologique (qui touche le cerveau) est souvent associé - à tort - à la sorcellerie. Pour combattre les fausses croyances et améliorer la prise en charge des autistes (nom des personnes qui souffrent d'autisme), l'actrice Noelle Kenmoe a décidé de consacrer un film à l'autisme. Pour en savoir plus, AlloDocteurs.Africa est partie à sa rencontre. Interview d'une femme qui veut faire avancer les choses.
AlloDocteurs.Africa : Qu’est-ce qui vous a amené à faire un film sur l’autisme ?
Noelle Kenmoe, réalisatrice du film "2 avril" : J’ai été inspirée par un cas réel. En 2016, quand je sortais mon premier film “effet Boomerang “, à deux jours de la projection j’ai rencontré la mère du petit Kwessi qui a joué dans le film "2 Avril". C’est un enfant atteint d’autisme. Comme je faisais la promotion, je lui ai dit : Tata achète le ticket à 2000 FCFA et viens regarder mon film, ça fait longtemps qu’on ne s’est pas vues. Elle m’a dit : “je ne peux pas, j’ai un enfant autiste". Je n’avais jamais entendu parler d’autisme, j’ai pensé “ah… “. Deux jours après la grande première de mon film je me suis dit : “Mais comment? j’invite même la Tata et elle refuse de venir à mon avant-première ?". J’ai donc décidé de faire des recherches sur "autisme" pour savoir ce qui faisait souffrir son enfant.
AlloDocteurs.Africa : Et vous vous êtes trompée?!
N. K. : Oui, ce jour-là, j’ai tapé “otite“ parce que je ne savais pas ce que c’était exactement ! Après, ayant vu que c’est un problème d’audition ((il s'agit d'une infection de l'oreille), j’ai compris que cela n’a rien à voir avec l’autisme. Quand j’ai finalement lu la définition sur Google, j’ai sursauté de douleur. J’ai pensé qu’il fallait que je voie sa mère. Je l’ai cherchée sur Messenger et quand je l’ai retrouvée, je suis allé chez elle et j’ai vu l’enfant. Elle m’a dit qu’il n’est pas scolarisé parce que ses fournitures coûtent trop cher. A partir d’un million de Francs CFA ! Elle me dit qu’il n’est pas suivi par les orthophonistes, les psychomotriciens... J’ai dit : ah non, tous les enfants ont droit à l’éducation. Si les sourds-muets, les aveugles ont des écoles, pourquoi pas les enfants atteints d’autisme ? Pourquoi on néglige ceux-là alors que l’école publique est presque gratuite ? J’ai alors décidé de faire un film sur l’autisme. Elle ne me croyait pas. Je lui ai dit : “Tata, fais-moi confiance!“
AlloDocteurs.Africa : Pourquoi avez-vous intitulé votre film “2 Avril “ ?
N.K. : C’est une date très importante pour les parents d’enfants atteints d’autisme parce que c’est la journée mondiale de sensibilisation à l’autisme. Le 2 avril 2020, mon équipe, c’est-à-dire les acteurs et les personnels technico-artistiques, avons prévu d’effectuer une marche à Douala et dans d’autres villes du Cameroun. Nous porterons des T-shirts frappés du logo de la journée internationale consacrée à l’autisme.
AlloDocteurs.Africa : Comment faire changer les choses?
N.K. : En dehors des projections, nous allons sensibiliser encore et encore. Nous allons continuer à faire pression sur le gouvernement camerounais pour qu’il se penche sur le cas des enfants atteints d’autisme. Nous continuerons jusqu’au jour où nous obtiendrons les premiers résultats. Nos premières actions de sensibilisation portent des fruits puisque beaucoup de personnes savent désormais ce qu’est l’autisme. Les enfants que j’ai vus attachés dans les maisons quand je m’apprêtais à écrire mon scénario ne sont plus considérés comme des sorciers ! Grâce au film, nous avons changé la perception que les autres avaient des enfants atteints d’autisme.
AlloDocteurs.Africa : Concrètement qu’attendez-vous du gouvernement ?
N.K : Qu’il ouvre des écoles spécialisées accessibles à toutes les bourses! Je suis gênée de voir que ces parents se battent seuls. En allant à l’école l’enfant autiste devient autonome. Pourquoi les malvoyants, les sourds-muets ont–ils des écoles accessibles à toutes les bourses et pas les autistes qui ont des problèmes plus graves que les autres ?